SOINS DENTAIRES
Un vieil adage disait « une grossesse, une dent » ; contrairement à
cette idée fréquemment répandue, aucune étude n’a démontré que
la grossesse favorisait la survenue de caries.
Dans la crainte d’un risque à la fois fœtal et maternel, les praticiens
ont souvent une appréhension pour effectuer des soins dentaires.
Certains peuvent être repoussés jusqu’à la naissance du bébé, mais
en cas d’urgence, pulpite par exemple, il n’y a pas de contre-
indication à effectuer les gestes nécessaires chez la femme
enceinte [4]
. Quelques précautions simples doivent être respectées :
utiliser des anesthésiques locaux non adrénalinés ; limiter la durée
des soins, surtout en fin de grossesse quand le décubitus dorsal peut
entraîner une compression de la veine cave provoquant des
malaises. À la suite des interrogations concernant l’éventuelle
toxicité des dérivés mercuriels secondaires au relargage de mercure
à partir des amalgames dentaires, il est recommandé d’« éviter par
prudence la pose et la dépose d’amalgames pendant la grossesse et
l’allaitement » (Journal officiel, 2 janvier 2001). Là encore, une
situation d’urgence dentaire peut conduire à la dépose d’un
amalgame pendant ces deux périodes.
PATHOLOGIE MUQUEUSE
Gingivite
La fréquence des gingivites gravidiques est difficile à évaluer ; elle
est variable selon les auteurs (de 10 à 70 %). L’importance de
l’atteinte est corrélée au niveau socioprofessionnel, à l’état dentaire
préalable, au degré d’hygiène buccodentaire [6]
. Elle peut s’observer
chez une femme dont l’hygiène dentaire est correcte. Elle est
expliquée en partie par les altérations tissulaires dues aux
modifications hormonales mais également par des changements
dans les habitudes alimentaires. La gingivite débute à partir du
deuxième mois de la grossesse et tend à s’atténuer vers le huitième
mois. Sans aucun caractère particulier, elle est secondaire à
l’accumulation de plaque dentaire sur la gencive.
Au départ, la gencive marginale, au collet des dents, devient
œdématiée, rouge, perd son aspect granité. À un stade ultérieur, les
papilles interdentaires deviennent congestives et la gencive saigne
au moindre attouchement. La gingivite peut être localisée à un
secteur dentaire ou être plus étendue, voire généralisée. Elle est peu
douloureuse et en conséquence souvent négligée, d’autant que le
saignement des gencives n’est pas toujours considéré comme étant
pathologique. Une atteinte parodontale au cours de la grossesse
pourrait être associée à un risque plus élevé de naissance
prématurée.
Le traitement des gingivites gravidiques ne diffère pas de celui desgingivites banales. Il repose sur une amélioration de l’hygiène
buccale (brossage et fil dentaire) et alimentaire, associée au
détartrage. Une antibiothérapie n’est pas indiquée dans les
gingivites car elles sont complètement réversibles après suppression
mécanique de la plaque dentaire.
L’évolution vers des formes hémorragiques sévères ou
ulcéronécrotiques ne doit pas faire méconnaître une pathologie
générale sous-jacente (hémopathie, syndrome d’immunodéficience
acquise [sida]).
Épulis
Cette tumeur gingivale, qui ne se rencontre pas exclusivement au
cours de la grossesse, est le principal motif de consultation de la
femme enceinte en stomatologie. Elle survient essentiellement
pendant les 2 derniers trimestres de la grossesse ; sa fréquence de
survenue est estimée à 5 %.
C’est une tumeur gingivale nodulaire (fig 1), siégeant entre deux
dents, parfois en bissac quand elle s’extériorise à la fois du côté
palatin ou lingual et du côté labial ou jugal. Elle est pédiculée ou
sessile, rouge, indolore et saigne au moindre contact. La
gingivorragie peut être exceptionnellement incoercible, difficilement
contrôlable par les moyens d’hémostase locale [9]
. L’épulis peut être
volumineuse (fig 2), pouvant entraîner un certain degré de mobilité
dentaire mais sans déplacements dentaires.
Il n’y a pas de spécificité histologique : l’épithélium est normal ou
acanthosique ; le chorion est hypervascularisé avec un infiltrat
inflammatoire dense, essentiellement plasmocytaire. L’étiologie est
inconnue ; des facteurs locaux sont parfois incriminés (traumatismes,
restaurations dentaires défectueuses) associés à une hygiène buccale
insuffisante ; le plus souvent, aucune cause locale n’explique la
survenue de ces lésions. Les facteurs hormonaux sont prépondérants
puisque ces épulis régressent après l’accouchement ou à l’arrêt de
l’allaitement et récidivent lors des grossesses ultérieures, souvent
plus précocement et plus volumineuses.
L’attitude thérapeutique est à adapter à chaque cas, la difficulté
n’étant pas d’intervenir chez une femme enceinte mais la récidive
rapide de la lésion « hormonodépendante ». Une petite tumeur,
siégeant dans un secteur dentaire non visible, saignant peu et
débutant en fin de grossesse, peut être laissée en place et sa
régression est contrôlée après l’accouchement. À l’inverse, si la
lésion débute plus tôt, siège dans un secteur visible, saigne
facilement, l’excision chirurgicale ou la photocoagulation au laser
CO2 peuvent être envisagées, sous anesthésie locale. La lésion
récidive généralement dans les semaines suivantes. Une alternative
au geste chirurgical est la cryothérapie, qui est facilement effectuée
sans anesthésie et permet de maîtriser les saignements pendant
quelques semaines ; elle peut être renouvelée plusieurs fois et sans
risque jusqu’à l’accouchement. Une antibiothérapie à bonne
diffusion gingivale (azithromycine par exemple) améliore également,
temporairement, les lésions.
En post-partum, une exérèse chirurgicale sous anesthésie locale est
parfois nécessaire sur des lésions résiduelles.
Si l’épulis au cours d’une grossesse est banale, elle ne doit pas faire
méconnaître l’existence de tumeurs gingivales malignes [2]
(hémopathies, carcinomes épidermoïdes, ostéosarcomes), suspectées
sur des lésions rapidement évolutives, entraînant des mobilités
dentaires par envahissement de l’os alvéolaire.
Devant une telle suspicion, l’état de grossesse ne doit pas faire
retarder la conduite diagnostique ; une biopsie peut être pratiquée
sous anesthésie locale et des clichés radiographiques effectués. La
prise en charge d’une néoplasie survenant au cours d’une grossesse
impose une prise en charge pluridisciplinaire cancérologique et
obstétricale.
Pemphigoïde gravidique
C’est une dermatose bulleuse auto-immune de la jonction
dermoépidermique avec prédisposition génétique [1]
. Elle débute au
deuxième ou troisième trimestre de la grossesse, plus rarement après
l’accouchement. L’éruption cutanée est prurigineuse, constituée de
plaques urticariennes, de bulles, débutant dans la région
périombilicale puis s’étendant, pouvant atteindre le visage et la
muqueuse buccale. Le diagnostic est confirmé par l’examen
histologique qui retrouve un décollement sous-épidermique ;
l’immunofluorescence directe montre des dépôts linéaires de C3 sur
la jonction dermoépidermique. Le traitement repose sur les
antihistaminiques anti-H1, la corticothérapie topique ou générale
selon l’importance des lésions. Le pronostic fœtal est bon, avec
cependant un risque d’hypotrophie et de prématurité. Dans
quelques rares cas, le nouveau-né a des lésions cutanées transitoires.
La maladie comporte un risque de récidive lors des grossesses
ultérieures.
MODIFICATIONS SALIVAIRES
La sialorrhée de la grossesse est une constatation fréquente. Elle peutêtre en rapport avec les perturbations digestives fréquentes au cours
de la grossesse (nausées, reflux gastro-œsophagien). Elle entraîne
rarement un inconfort majeur
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire